Devenir parents ré-active les inégalités de genre: une analyse des parcours de vie des hommes et des femmes en Suisse

N°14, Mai 2018
René Levy (Université de Lausanne),

May 24, 2018
How to cite this article:

R. Levy (2018). Devenir parents ré-active les inégalités de genre: une analyse des parcours de vie des hommes et des femmes en Suisse. Social Change in Switzerland, N° 14. doi:10.22019/SC-2018-00003

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Résumé

L’augmentation du taux d’emploi des femmes est souvent pris comme signe de l’égalité croissante entre les sexes. Toutefois, à l’arrivée du premier enfant, l’organisation des familles devient plus traditionnelle avec la réduction, voire l’interruption de l’activité professionnelle de la mère. A l’aide de trois recherches complémentaires, cet article montre d’abord que les parcours de vie contemporains restent fortement genrés et que leur sexuation se manifeste avec la mise en couple et surtout lors de la transition à la parentalité. Il retrace ensuite l’origine de cette re-traditionnalisation dans l’insertion sociale des couples ainsi que dans le type d'État providence dans lequel ils vivent, et montre que ce retour à la tradition s’opère indépendamment de leurs intentions. Il retient enfin l'importance des structures d'accueil extrafamilial ainsi que d'un véritable congé parental pour permettre aux couples un fonctionnement égalitaire, notamment à ceux ayant un faible pouvoir d'achat.


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Les parcours de vie sont sexués

La littérature scientifique des 40 dernières années a produit trois thèses contradictoires sur la question de savoir si les parcours de vie sont typés et, si oui, comment. La plus ancienne (Levy, 1977) postule que les parcours sont sexués, donc typés, mais de manière différente pour les hommes et les femmes. La plus récente (Beck & Beck-Gernsheim, 1990) affirme que les standardisations se dissolvent dans les sociétés contemporaines dites postmodernes et que les parcours sont donc devenus individualisés. La thèse intermédiaire (Kohli, 1985) maintient que les parcours sont bel et bien standardisés, mais selon un seul modèle qui se caractérise par trois phases successives après l’enfance: formation initiale, engagement professionnel à plein temps et retraite, laissant place à quelques variations.

Après un premier essai exploratoire, mais déjà probant, sur un échantillon de couples (Widmer et al., 2003), les données du Panel suisse de ménages, portant sur toute la population sans privilégier un état civil particulier, ont permis de confirmer le constat de la sexuation. Les informations rétrospectives récoltées dans les vagues 2001 et 2002 sont soumises à une analyse de séquences (voir encadré) pour identifier des types de parcours dont une analyse de régression fait ensuite ressortir les conditions d’émergence. Ces analyses ont permis de démontrer que les parcours sont standardisés dans une mesure non négligeable et que cette standardisation inclut leur sexuation (Levy et al., 2006 ; Levy et Widmer, 2013). Elles ont produit deux types de trajectoires pour les hommes (graphiques 1 et 2) et quatre pour les femmes (graphiques 3 à 6).[1]

Réunissant près de trois quarts (72%) des parcours masculins, le type “Temps plein” prédomine clairement. Il correspond au modèle “ternaire”, postulé par Kohli pour tous les parcours. Le caractère peu typé de la deuxième catégorie souligne encore le statut prédominant de ce type.

Le deuxième type de parcours masculins se présente plutôt comme une catégorie résiduelle regroupant des parcours divers qui ne correspondent pas à un profil clairement identifiable et qui sont caractérisés par des ingrédients atypiques: phases de formation prolongées ou répétées, importance non négligeable de travail à temps partiel, présence plus importante d’interruptions professionnelles, retraite pouvant intervenir relativement tôt, mais aucun changement de statut clairement lié à une tranche d’âge définie. C’est pour cela que nous appelons ces trajectoires “Erratiques”.

La situation est très différente pour les parcours féminins qui se distinguent en quatre types bien profilés.

Un premier ressemble au type prédominant masculin sans être identique à lui car il inclut des insertions familiales qui prennent temporairement le dessus sur l’insertion professionnelle et qui peuvent correspondre à de brèves interruptions, intervenant à des âges différents sans jamais prédominer. Ce type “Plein temps” réunit un tiers des parcours féminins.

Un deuxième type, “Temps partiel”, regroupant un quart des parcours féminins, se caractérise par le passage, après la phase de formation, du travail à plein temps au travail à temps partiel de manière durable jusqu’à la retraite.

Un troisième type (“Retour”), comptant 30% des parcours féminins, est marqué par le va-et-vient entre l’engagement professionnel (à plein temps) et l’engagement familial suivi d’un retour au premier, mais seulement à temps partiel.

Finalement, un quatrième type de parcours, “Foyer”, correspond au modèle traditionnel : arrêt définitif de l’engagement professionnel au profit de l’insertion familiale, mais, comme pour les autres types féminins, après une phase initiale de travail à plein temps. Ce type de parcours était probablement prépondérant au milieu du 20ème siècle (en l’absence de données longitudinales pour cette période, on ne peut que faire des suppositions) mais il est devenu relativement marginal (13%) depuis.

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Questions de méthode

Données rétrospectives : Les vagues de 2001 et 2002 du Panel suisse de ménages contenaient un module de questions biographiques posées pour chaque année de vie passée. Cela permettait d’élargir la fenêtre d’observation du Panel et de reconstruire les parcours de vie des répondant·e·s depuis l’âge de 16 ans. Les données analysées ici concernent les répondant·e·s observé·e·s au moins jusqu’à l’âge de 30 ans et couvrent jusqu’à 49 années de vie (jusqu’à l’âge de 64 ans), selon l’âge des répondant·e·s au moment des deux vagues. Les trajectoires analysées varient donc entre les périodes de 1972-2002 pour les plus jeunes et 1938-2002 pour les plus âgé·e·s. L’échantillon est constitué des trajectoires de 1’935 femmes et 1’696 hommes. Les trajectoires individuelles sont décrites en termes de sept “états” ou activités principales: formation, travail à plein temps, travail à temps partiel, travail familial, interruption positive (long voyage, congé sabbatique), interruption négative (maladie, chômage), retraite. Les parcours masculins et féminins sont analysés séparément pour faire mieux ressortir les différences typologiques.

Analyse de séquences : Aussi appelée Optimal Matching ou Alignement de séquences, cette méthode – développée pour l’analyse génomique – permet de comparer des trajectoires par paires afin de déceler des types de séquences au profil semblable.

Graphiques de séquences : Les graphiques 1 à 6 représentent les types de séquences trouvés de cette manière parmi les trajectoires masculines et féminines. Il s’agit d’histogrammes (diagrammes de colonnes) où chaque colonne correspond à une année de vie entre 16 et 64 ans (axe horizontal) et montre la proportion de personnes ayant une des sept activités ou insertions sociales prédominantes retenues pour décrire leur parcours (axe vertical). Chaque graphique décrit ainsi de manière synthétique un type de trajectoire.

On observe donc parmi les trajectoires masculines qu’un seul type de parcours s’impose largement (“Plein-temps” avec 72%) alors que parmi les trajectoires féminines on trouve quatre types qui expriment de manière qualitativement et quantitativement différente la présence d’une insertion familiale en parallèle à l’insertion professionnelle. En reprenant les trois thèses citées au début, ces résultats corroborent celle de la standardisation sexuée, avec toutefois une proportion non négligeable de parcours masculins non standards et une diversité typée des parcours féminins.[2]

Autrement dit: si l’engagement professionnel domine les trajectoires masculines (en tous cas les trois quarts qui correspondent au type prédominant), il est aussi largement présent dans les trajectoires féminines, parmi lesquelles seul le type le plus traditionnel (Type “Foyer” avec 13%) comporte un basculement définitif vers le monde familial. Ce constat confirme d’ailleurs l’analyse de Becker-Schmidt (1987) de la double insertion sociale des femmes. Les quatre types de parcours féminins sont caractérisés par une phase d’insertion professionnelle initiale qui commence, comme chez les hommes, à des âges différents selon la durée de la formation.

La comparaison visuelle des types de trajectoires suggère que c’est au moment de la mise en couple ou de la naissance du premier enfant que la sexuation des parcours et le “choix” entre les quatre types de parcours féminins intervient, sans pouvoir en identifier clairement le moment crucial. Une analyse de régression des parcours permet d’y voir plus clair.

La sexuation des parcours est activée principalement par l’arrivée du premier enfant

Une analyse de régression des parcours masculins et féminins fait ressortir les principaux déterminants des trajectoires (voir tableau A.1 en annexe). Les tendances principales peuvent être résumées de la manière suivante :

1. L’influence des facteurs socio-démographiques est globalement plus importante pour les types de parcours féminins que masculins.

2. Les influences des deux variables biographiques – présence d’enfants et état civil – sur l’insertion professionnelle sont inverses entre hommes et femmes: la présence d’enfants ainsi que le mariage renforcent l’insertion professionnelle des hommes alors qu’elles réduisent celle des femmes. La présence d’enfants tranche, parmi les parcours féminins, principalement entre le type “Plein temps” (plus fréquent chez les femmes sans enfants) et les trois autres (plus fréquents chez les femmes avec enfant-s). On peut ajouter que le divorce n’influence pas les trajectoires masculines de manière significative mais renforce l’activité professionnelle des femmes.

3. Les autres variables influent de manière plus différenciée sur les types de parcours exclusivement féminins. Ainsi, un niveau de formation élevé renforce le type “Temps partiel” alors qu’une formation seulement minimale renforce le retrait de l’emploi (“Foyer”). Un pouvoir d’achat élevé du ménage se manifeste dans le type “Plein temps” chez les femmes, alors qu’un pouvoir d’achat bas est liée à un engagement professionnel plus faible des hommes.

4. L’âge joue un rôle du côté des femmes seulement: plus elles sont jeunes (entre 30 et 39 ans, donc, en l’occurrence, plus leur rôle de mère est particulièrement activé), plus les parcours “Temps partiel” et “Retour” sont présents, alors que l’âge élevé est plus présent dans le type “Foyer”.

Cette analyse donne des indications fortes de l’importance de la double transition de se mettre en couple et de devenir parents pour le basculement des trajectoires féminines – mais non masculines – vers l’un ou l’autre type de parcours. Ce basculement crée surtout une différence entre les parcours masculins, encore renforcés dans l’insertion professionnelle prioritaire, et les parcours féminins, désormais marqués – selon des modèles différents – par la double insertion professionnelle et familiale. La modalité selon laquelle se réalise l’un ou l’autre des types de trajectoire féminines dépend de l’insertion sociale du couple et secondairement de l’âge de la femme. Le passage par l’un ou l’autre type de parcours est donc influencé par le positionnement structurel des couples  mais non par leur origine sociale.

La divergence des trajectoires masculines et féminines est donc principalement activée par la transition à la parentalité. Ce constat mène à une question supplémentaire: est-ce que ce retour à un fonctionnement plus sexué résulte d’une mise en pratique des intentions des conjoints ou plutôt de contraintes qu’ils rencontrent par leur insertion sociale? Une recherche de suivi permet d’éclaircir cette question.

Devenir parent signifie devenir (plus) inégaux

Suite à l’analyse des parcours, une étude d’un panel de couples en Suisse romande pendant leur transition à la parentalité a été réalisée entre 2005 et 2007 (Le Goff et Levy, 2016).[3] Pour cette étude interdisciplinaire à méthodologie mixte (quantitative et qualitative), les conjoints étaient interviewés séparément à trois reprises: pendant la grossesse, pendant le congé maternité et une année plus tard. Cette étude permet de comparer les intentions des partenaires avec leurs pratiques effectives : la re-traditionnalisation après la naissance, voire après le congé maternité, apparaît-elle plus facilement dans les couples qui déclarent des intentions allant dans ce sens auparavant (pendant la grossesse), et n’apparaît-elle pas ou moins souvent dans ceux dont les intentions sont égalitaires ?

Selon les composantes du travail familial considérées, les résultats varient. Ils sont le plus clair pour les tâches ménagères les plus classiques (courses, rangement, nettoyage, vaisselle, lessive, repassage). En dichotomisant les pratiques selon la répartition plus ou moins genrée des tâches entre les partenaires, et les valeurs selon leur intention de passer à une sexuation plus ou moins prononcée, on obtient une typologie certes simple, mais parlante de quatre configurations valeurs/pratiques (basées sur les moyennes des deux partenaires) que montre le schéma 1.

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Le graphique 7 permet de voir à la fois l’évolution séparée des valeurs (mesurées en tant qu’intentions pour l’avenir proche), des pratiques (mesurées par la répartition du travail entre les partenaires) et celle de leurs configurations, en comparant les vagues 1 (grossesse) et 3 (environ une année après le congé maternité). La proportion des couples avec intentions de répartition égalitaire (les deux couches inférieures, plus foncées des deux colonnes, opposées aux deux couches supérieures) ne change pas entre les deux vagues: les couples à valeurs égalitaires restent majoritaires après être devenus parents.

Par contre, la proportion des couples avec pratiques genrées (les deux couches avec des points) augmente considérablement lors de la transition. Le graphique dans son ensemble montre que ce déplacement vers des pratiques plus traditionnelles s’opère quelles que soient les valeurs ou intentions: les couples avec configuration genrée cohérente deviennent plus nombreux entre les deux vagues alors que les couples avec configuration égalitaire cohérente deviennent moins nombreux, et la configuration incohérente avec valeurs égalitaires et pratiques genrées augmente en nombre alors que celle avec valeurs genrées et pratiques égalitaires diminue. Ce tableau du déplacement des couples indique directement que la (re-)traditionalisation des pratiques n’est pas due aux intentions des partenaires, mais à d’autres facteurs. Reste, pour finir, à explorer de quels facteurs il peut s’agir.

La re-traditionalisation des pratiques, influencée par la politique sociale

Pour cette exploration, une analyse comparative des données internationales de l’Enquête sociale européenne de 2004 a été entreprise par Bühlmann et al. (2016). Leur comparaison de la Suisse avec une vingtaine d’autres pays européens, orientée sur les mêmes configurations valeurs/pratiques et leurs différences entre les phases précoces de la vie familiale, fait ressortir que :

1. “le basculement [des couples. RL] dans l’inégalité à la naissance du premier enfant peut être tempéré par le développement de structures d’accueil de la petite enfance” et que

2. “le retour à des pratiques professionnelles égalitaires (lorsque les enfants atteignent l’âge scolaire) est facilité par l’existence de congés parentaux légaux étendus” (p. 266).

En retrouvant la typologie d’Etats sociaux d’Esping-Andersen (1999), les auteurs mettent en évidence deux types de trajectoires opposés en fonction des politiques sociales en vigueur dans les pays comparés: “les régimes sociaux-démocrates (Danemark, Finlande, Norvège et Suède) et les régimes libéraux (Grande-Bretagne, Irlande, Pays Bas et Suisse). […] Dans les deux cas, la plupart des couples retrouvent une organisation cohérente entre pratiques et valeurs, au plus tard après que les enfants aient atteint l’âge scolaire: égalitaire au sein des régimes sociaux-démocrates, genrée au sein des régimes libéraux”. En d’autres termes : dans des régimes d’état social orientés sur l’égalité de genre, la majeure partie des couples peuvent revenir à leur cohérence valeurs/pratique initiale, égalitaire, alors que dans des régimes libéraux, ils sont obligés d’adapter leurs valeurs à leur pratique devenue inégalitaire et difficile à changer.

Les mêmes auteurs ont appliqué leur analyse aux microrégions suisses (MS)[5] en se servant des données du Panel suisse de ménages. Leurs résultats confirment que la transition à la parentalité est le déclencheur principal de la re-traditionalisation de la répartition familiale des tâches, et que ce sont les pratiques qui changent d’abord, avec la naissance, suivies, avec un décalage d’environ trois ans, par l’adaptation des valeurs (Bühlmann et al., 2016, p. 274-275). Par ailleurs, selon le degré de développement des structures d’accueil, très variable entre les 106 régions comparées, notamment le long de l’axe ville-campagne (voir aussi Gärtner, 2009), ils constatent que l’importance de ces structures est un amortisseur considérable du choc de l’arrivée du premier enfant: “les couples risquent nettement moins de basculer d’une configuration à pratiques égalitaires à une configuration ‘pratiques genrées/valeurs égalitaires’ durant la transition à la parentalité lorsqu’ils résident dans une région MS avec des structures d’accueil fortement développées” (p. 277). Ils observent aussi que les couples avec une configuration cohérente genrée avant cette transition se trouvent surtout dans les professions peu qualifiées.

Ainsi, l’environnement institutionnel des jeunes couples s’avère très in­fluent sur leur manière de gérer la transition à la parentalité, tout en étant lui-même influencé par le profil socio-politique caractérisant le contexte régional. Le contexte institutionnel fixe les structures d’opportunité qui définissent les options effectives qu’ont les couples entre un fonctionnement plus égalitaire ou plus genré, et ce indépendamment de leurs intentions ou valeurs.

Effets à long terme

Il importe de se rappeler que les effets de la sexuation se développent dans le long terme, à la fois biographique et historique, et qu’ils prennent des formes multiples, souvent selon une logique cumulative. Concernant la phase enfantine, il faut surtout penser à l’effet de modèle – non pas comme idéal lointain, mais comme garant de normalité – que revêt la pratique des parents pour les enfants pendant leurs premières années de vie. Concernant la phase adulte, il faut considérer les interruptions professionnelles et le recours fréquent au temps partiel qui font partie “endémique” des parcours féminins, mais non masculins. Cette bifurcation genrée se prépare par anticipation, avant l’entrée à l’âge adulte, sous la forme du choix de professions sexuées au potentiel d’ascension et d’épanouissement moindre dans le cas des professions féminisées, mais plus accueillantes pour des périodes de temps partiel ou des interruptions avec retour ultérieur (Gianettoni et al., 2015).

In fine, le régime de genre qui se met ainsi en place tout au long des biographies masculines et féminines aboutit à une situation défavorisée des femmes dans l’assurance vieillesse qui va, pour nettement plus de femmes que d’hommes, jusqu’à l’absence de droits dans le 2ème et 3ème pilier (graphique 8).

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Conclusion pratique

Ces analyses démontrent que le régime de genre en Suisse souffre de la non-réalisation de mesures d’égalisation conséquentes telles que l’introduction d’un congé parental et le développement de structures d’accueil extra-familiales pour enfants en âge préscolaire et scolaire, qui soient largement accessibles du point de vue financier, géographique et horaire. Sans ces mesures, la famille continue de fonctionner comme plaque tournante de contraintes genrées avec des effets non seulement sur les partenaires, comme le montrent les analyses présentées ici, mais aussi sur les enfants qui, en grandissant dans ces conditions, développent des identités genrées, et sur leurs grands-parents qui sont mobilisés pour la prise en charge des enfants à moindre coût pour faciliter l’activité professionnelle des mères. Dans le cycle de reproduction des inégalités de genre, l’organisation familiale avec ses « supports » sociétaux joue un rôle de premier ordre.

 

[1] Les graphiques 1 à 6 sont repris de Levy et al., 2006. Chacun représente le profil chronologique d’un type de trajectoire (voir aussi l’encadré).

[2] A noter que Kohli (1985) ne postule pas une standardisation linéaire et indéfinie, mais une progression pendant les deux ou trois siècles passés. Sa reconstruction historique est parfaitement compatible avec l’idée que cette standardisation peut avoir atteint un maximum dans la deuxième partie du 20ème siècle et se réduit depuis sans avoir disparu pour autant.

[3] Les détails de l’échantillonnage et les autres aspects de la réalisation de cette étude complexe sont décrits dans l’annexe du volume de Le Goff et Levy (2016).

[4] Analyse des données Devenir parent, reprise de Bühlmann et al. 2016 (p. 278-279).

[5] Il s’agit des 106 régions MS distinguées par l’Office fédéral de la statistique sur la base des flux de mobilité spatiale (Joye et Schuler, 1995). Dans ce cas, l’indicateur du développement des structures d’accueil est l’effectif en postes équivalents plein temps par 1000 habitants dans les crèches, etc. (base: Recensement fédéral des entreprises, 2001).

Annexe

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Bibliographie

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Bühlmann, F., Elcheroth, G. et Tettamanti, M. (2016). Le premier enfant en contexte – institutionnalisation du conflit? in: Le Goff, J.-M. et Levy, R. (dir.). Devenir parents, devenir inégaux. Transition à la parentalité et inégalités de genre. Seismo, Zurich, 262-284.

Esping-Andersen, G. (1999). Social Foundations of Postindustrial Economics. Oxford University Press, New York.

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Gianettoni, L., Carvalho Arruda, C., Gauthier, J.-A., Gross, D. et Joye, D. (2015). Aspirations professionnelles des jeunes en Suisse: rôles sexués et conciliation travail/famille. Social Change in Switzerland 3.

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Widmer, E., Levy, R., Pollien, A., Ham­mer, R. et Gauthier, J.-A. (2003). Entre standardisation, individualisation et sexuation : une analyse des trajectoires personnelles en Suisse. Revue suisse de sociologie 29(1), 35-67.



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