Les attitudes envers l’égalité des genres en Suisse, 2000-2017
C. Bornatici, J.-A. Gauthier & J. -M. Le Goff (2021). Les attitudes envers l’égalité des genres en Suisse, 2000-2017. Social Change in Switzerland, N°25. doi: 10.22019/SC-2021-00001
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Résumé
Cet article analyse l'évolution des attitudes envers l’égalité des genres en Suisse entre 2000 et 2017. Il montre que les attitudes envers les rôles sociaux des femmes deviennent plus égalitaires, tandis que les attitudes envers la réalisation de l'égalité sont stables. Si le travail rémunéré des femmes fait l’objet d’un consensus, nos résultats soulignent la persistance d’une représentation traditionnelle du rôle des mères. Nous observons aussi une différence générationnelle de perception de la réalisation de l’égalité des genres : les plus jeunes considèrent davantage que les femmes ne sont plus discriminées en Suisse et sont moins favorables à des mesures de promotion des femmes. Finalement, notre analyse montre que les femmes entrant sur le marché du travail développent des attitudes plus égalitaires envers le travail rémunéré des femmes et des mères, alors que les femmes qui quittent le marché du travail deviennent plus traditionnelles.
Copyright
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Introduction
En Suisse comme ailleurs, l’idéal familial bourgeois a favorisé la différenciation des rôles sociaux des femmes et des hommes. Selon ce modèle, les femmes sont cantonnées aux tâches domestiques et d’éducation des enfants dans la sphère privée, et les hommes au rôle de gagne-pain poursuivant une carrière professionnelle, voire politique, dans la sphère publique. Depuis le milieu du 20ème siècle, on observe pourtant certains changements. Les femmes sont désormais aussi nombreuses que les hommes à obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur. Elles participent davantage au marché du travail et restent de plus en plus actives professionnellement une fois devenues mères, alors que les hommes s’occupent davantage des tâches domestiques et des enfants (OFS, 2019a). Les inégalités de genre sont toutefois encore nombreuses, que ce soit au niveau du partage des tâches dans la sphère privée, ou de la position professionnelle et de la représentation politique dans la sphère publique (OFS, 2019a).
Parallèlement, les mentalités concernant les rôles des femmes et des hommes ont globalement évolué vers plus d’égalité (voir Knight & Brinton, 2017 pour l’Europe). Alors que certains travaux (par exemple Inglehart & Norris, 2003) estiment que les attitudes et les pratiques égalitaires continueront de progresser, d’autres travaux montrent en revanche une stagnation voire même un recul des attitudes égalitaires depuis le milieu des années 1990 aux Etats-Unis (Pepin & Cotter, 2018) ou en Australie (van Egmond et al., 2010). Qu’en est-il en Suisse ? Est-ce que les Suissesses et les Suisses estiment qu’il y a une égalité réelle entre femmes et hommes ? Quelle est leur opinion à propos des mères qui travaillent ? Comment ces attitudes ont-elles évolué ces vingt dernières années ? Ces évolutions dépendent-elles de la génération à laquelle nous appartenons ou de nos expériences personnelles ? Cet article propose de répondre à ces questions en analysant les données du Panel suisse de ménages (PSM, 2019).
Les attitudes envers l’égalité des genres
Une attitude peut être définie comme une prédisposition à réagir favorablement ou défavorablement à une idée, un objet, une personne ou une situation (Ajzen & Fishbein, 1980). Les attitudes envers l’égalité des genres correspondent donc au soutien plus ou moins fort au principe d’égalité entre femmes et hommes. Ces attitudes vont des plus traditionnelles (ou conservatrices) aux plus égalitaires. Les personnes qui ont des attitudes traditionnelles soutiennent la division des rôles sociaux entre femmes et hommes selon l’idéal familial bourgeois, voire la domination masculine, en les attribuant à des différences naturelles et innées. A l’inverse, les personnes qui ont des attitudes égalitaires estiment que les femmes et les hommes sont fondamentalement égaux et que les différences biologiques ne peuvent justifier les inégalités sociales, politiques et économiques (Delphy, 2001). Femmes et hommes devraient ainsi bénéficier systématiquement des mêmes droits et opportunités et endosser les mêmes rôles sociaux.
Les attitudes envers l’égalité des genres influencent notre rapport à l’autre sexe, l’orientation scolaire et professionnelle des jeunes (Gianettoni, 2019) et, plus tard, l’organisation de la vie professionnelle et familiale des couples (Levy, 2018). Plus globalement, les attitudes individuelles façonnent les normes et le modèle culturel prédominant. A son tour, le modèle culturel prédominant définit le spectre des attitudes et des comportements socialement admis (Pfau‐Effinger, 1998) et contribue au contexte dans lequel les politiques sociales et familiales sont élaborées. Aussi, les mesures prises pour réduire les inégalités entre femmes et hommes sont différentes selon que les inégalités sont considérées comme le résultat d’un ordre naturel (attitudes traditionnelles) ou d’une construction sociale (attitudes égalitaires) qui hiérarchise les individus en fonction de leur sexe (Martin & Modak, 2015).
Les études réalisées en Suisse montrent que les facteurs influençant les attitudes envers les rôles de genre en Suisse sont similaires à d’autres pays. Les hommes et les personnes avec un bas niveau de formation affichent des attitudes plus traditionnelles que les femmes et les personnes avec un niveau de formation élevé (par exemple OFS, 2017). Les femmes actives professionnellement de même que les mères qui vivent avec leur partenaire sans être mariées ont des attitudes plus égalitaires à l’égard des rôles de genre que respectivement les femmes qui ne travaillent pas ou les mères mariées (Kuhn & Ravazzini, 2018; Ryser & Le Goff, 2015). Après être devenus parents, la plupart des couples gardent des attitudes égalitaires tout en ayant une répartition inégale des tâches familiales et professionnelles (Bühlmann et al., 2016). Les enquêtes sur les familles et les générations de l’Office fédéral de la statistique (OFS) indiquent que depuis 1995 la population est de plus en plus favorable à l’activité professionnelle des mères d’enfants en âge préscolaire, bien qu’en 2018 une proportion « non-négligeable » de femmes (27%) et d’hommes (36%) reste encore « sceptique » (OFS, 2019b, p.28). Concernant la perception de l’égalité femmes-hommes en Suisse, en 2018, la majorité de la population considère que l’égalité n’a pas encore été atteinte ou ne l’est que partiellement (Fuchs et al., 2018).
Données et indicateurs
Notre étude s’appuie sur les données du Panel suisse de ménages (PSM, 2019) collectées annuellement depuis 1999. En suivant les mêmes individus année après année, le PSM permet d’observer les changements d’attitudes liés au parcours de vie des individus, ainsi que les variations historiques. Les questions sur les attitudes envers l’égalité des genres ont été posées chaque année entre 2000 et 2011, puis en 2014 et 2017.
Les attitudes n’étant pas directement observables, elles sont évaluées à partir des réponses à des indicateurs issus d’échelles de sexisme qui ont évolué dans le temps, suivant le changement des normes vis-à-vis de l’égalité. Le PSM utilise quatre indicateurs pour évaluer les attitudes envers l’égalité des genres (voir Tableau 1): les attitudes envers le travail rémunéré des femmes (1) et des mères (2), l’attitude à l’égard de la discrimination envers les femmes (3) et l’attitude envers les mesures de promotion des femmes (4). Ces indicateurs peuvent être groupés en deux dimensions : les attitudes envers les rôles de genre (1-2) et les attitudes envers la réalisation de l’égalité (3-4).
Ces indicateurs proviennent d’échelles de sexisme ordinaire et moderne (Swim et al., 1995). Les indicateurs de sexisme ordinaire mesurent l’approbation des rôles de genre traditionnels et des stéréotypes sur les qualités et les capacités distinctes des femmes et des hommes. Toutefois, être ouvertement sexiste dans un contexte de promotion de l’égalité est socialement désapprouvé. Les répondants·es peuvent alors être tentés·ées de dissimuler leurs attitudes et répondre de manière plus socialement souhaitable. Les indicateurs de sexisme moderne ont donc été développés pour mesurer de manière indirecte une forme plus subtile de sexisme, qui se caractérise par le déni de la persistance de discriminations envers les femmes et par l’opposition aux revendications des femmes et aux mesures de promotion des femmes. Le sexisme moderne favorise ainsi le maintien du statu quo concernant les inégalités femmes-hommes.
A chaque indicateur correspond une affirmation à propos de laquelle les participants·es expriment leur niveau d’accord sur une échelle de 0 à 10. Les réponses favorisant l’égalité des rôles, reconnaissant l’existence de discriminations envers les femmes et approuvant des mesures de promotion de l’égalité indiquent des attitudes égalitaires et non-sexistes. Dans les analyses suivantes, les indicateurs ont été codés de sorte qu’une valeur élevée indique des attitudes égalitaires et donc en faveur de l’égalité des genres, tandis qu’une valeur basse indique des attitudes traditionnelles qui favorisent un statut inégal entre les femmes et les hommes.
Résistance à la participation des mères au monde professionnel
La figure 1 présente la moyenne des réponses des participants·es adultes pour chaque indicateur et année d’enquête.[1] Sur l’ensemble de la période étudiée, les hommes ont des attitudes moins égalitaires que les femmes, ce qui confirme les résultats des précédentes études. Les attitudes des femmes et des hommes évoluent toutefois de la même manière. Ainsi, entre 2000 et 2017, les femmes et les hommes sont devenus·es légèrement plus égalitaires en ce qui concerne les rôles de genre, alors que leurs attitudes à l’égard de la réalisation de l’égalité sont restées stables.
Au-delà de ces tendances générales, on note l’écart important entre le soutien pour le travail rémunéré des femmes et pour celui des mères d’enfants en âge préscolaire. En effet, la légitimité du travail des femmes fait davantage l’objet d’un consensus (avec une moyenne globale de 8,3 parmi les femmes et 8,0 parmi les hommes) que celle du travail des mères (femmes : 4,8 ; hommes : 3,8). Les attitudes à l’égard de la discrimination des femmes (femmes : 5,5 ; hommes : 5,1) et des mesures de promotion des femmes (femmes : 6,0 ; hommes : 5,4) sont moyennes. Globalement, les attitudes vis-à-vis du travail rémunéré des mères sont les plus traditionnelles.
Des attitudes moins égalitaires chez les plus jeunes
Afin d’analyser de possibles différences générationnelles, nous distinguons quatre générations emblématiques : la génération silencieuse (personnes nées jusqu’en 1949), les baby-boomers (personnes nées entre 1950 et 1964), la génération X (personnes nées entre 1965 et 1979) et les milléniaux (ou génération Y, regroupant les personnes nées depuis 1980). La Figure 2 présente la moyenne des réponses pour chaque année d’enquête et chaque indicateur selon la génération d’appartenance des participants·es.
Nous nous attendions à ce que les générations plus jeunes, socialisées dans un contexte plus égalitaire, aient des attitudes moins traditionnelles que les générations plus âgées. Or, ce n’est pas le cas. En effet, les milléniaux – les plus jeunes – affichent des attitudes plus traditionnelles que les générations précédentes sur trois des quatre indicateurs à disposition. Ainsi, par rapport à leurs aînés·ées, les milléniaux sont moins nombreux·euses à considérer que les femmes sont encore discriminées dans certains domaines et que davantage de mesures favorisant l’égalité sont nécessaires. Les milléniaux sont aussi moins favorables au travail rémunéré des femmes. Concernant les attitudes envers le travail rémunéré des mères, il n’y a pas de différences statistiquement significatives entre les générations. Nous notons néanmoins que l’évolution vers des attitudes plus égalitaires est plus marquée parmi les milléniaux.
Influence de l’activité professionnelle
Pour étudier la relation entre l’activité professionnelle et les attitudes envers l’égalité des genres, nous restreignons nos analyses aux personnes âgées entre 18 et 64 ans. La Figure 3 montre les différences d’attitudes en fonction du taux d’occupation.
Concernant les attitudes envers les rôles de genre, les femmes inactives professionnellement sont les plus traditionnelles, suivies par celles travaillant à un faible taux.[2] Les femmes avec un taux d’occupation élevé (50-100%) sont les plus favorables à la participation des femmes au marché du travail. Elles reconnaissent aussi davantage que les femmes sont discriminées dans certains domaines. Ces femmes se distinguent toutefois concernant leur opinion sur le travail rémunéré des mères. En effet, les femmes travaillant à plein temps sont nettement moins favorables au travail rémunéré des mères que celles travaillant à temps partiel long.
A l’inverse, les hommes sans activité professionnelle ou travaillant à temps partiel sont plus favorables au travail des mères et reconnaissent davantage la discrimination envers les femmes que ceux travaillant à temps plein.[3] Par rapport à ces derniers, les hommes sans emploi sont toutefois moins favorables à la participation des femmes au marché du travail. En général, nous ne trouvons pas de différence significative entre les attitudes des hommes sans emploi et les attitudes de ceux travaillant à temps partiel (long ou court).
Ces résultats peuvent être dus à un effet de sélection (par exemple, les femmes qui ont des attitudes égalitaires choisissent de travailler davantage) et/ou à un effet d’adaptation (par exemple, les femmes actives professionnellement développent des attitudes plus égalitaires). Le caractère longitudinal du PSM, qui interroge les mêmes individus année après année, permet de distinguer l’effet d’adaptation.
Nous observons que les femmes qui accèdent à un emploi développent des attitudes plus égalitaires envers le travail des femmes (peu importe leur taux d’occupation après la transition) et envers le travail des mères (uniquement significatif en cas de travail à temps partiel après la transition), révélant ainsi un effet d’adaptation (voir Tableau 2). L’inverse est également vrai : les femmes qui quittent le marché du travail deviennent plus traditionnelles. Pour les hommes, seules les attitudes envers le travail des mères semblent évoluer selon leur taux d’occupation. Ceux qui commencent à travailler à temps partiel long ou quittent le marché du travail développent des attitudes plus égalitaires envers les mères qui travaillent.
Conclusion
Quatre conclusions principales peuvent être tirées de notre étude. Premièrement, au niveau de la population suisse nous observons différentes tendances dans l’évolution des attitudes envers l’égalité des genres ces vingt dernières années : les attitudes envers les rôles sociaux attendus des femmes (sexisme ordinaire) évoluent vers plus d’égalitarisme, tandis que les attitudes envers la réalisation de l’égalité (sexisme moderne) restent stables. Cette différence s’explique en partie par le fait que les femmes sont de plus en plus présentes sur le marché du travail (OFS, 2019a) – ce qui entraîne une plus grande acceptation de l’emploi des femmes et des mères – alors que simultanément, le discours politique sur l’égalité des genres a changé. Si le discours prédominant entre 1996 et 2001 reconnaissait la discrimination envers les femmes et visait son élimination par des mesures étatiques, le discours prédominant entre 2001 et 2011 estimait que l’égalité des genres n’était pas l’affaire de l’état, ce qui s’est traduit principalement par des mesures flexibles et volontaires pour les employeurs·euses et des progrès limités dans la diminution des inégalités (Lanfranconi & Valarino, 2014).
Deuxièmement, nos résultats montrent que, malgré un soutien croissant, l’emploi des femmes est préconisé tant qu’il n’y a pas d’enfant (en âge préscolaire) dans le ménage. Cela souligne la persistance d’une représentation traditionnelle du rôle des femmes une fois devenues mères et de l’attribution prioritaire des femmes dans la sphère privée dans la société suisse (Krüger & Levy, 2001). Nos résultats indiquent que le modèle culturel prédominant en Suisse est celui de « l’égalitarisme familial » (Knight & Brinton, 2017), c’est-à-dire un modèle qui soutient le principe d’égalité entre femmes et hommes tout en défendant le rôle traditionnel des mères dans la famille. L’interruption de la carrière féminine n’est plus explicitement au service de la carrière masculine, mais est vue comme une nécessité pour le bien-être des enfants (Cotter et al., 2011). Qui n’a d’ailleurs jamais entendu dire : « Quand on fait des enfants, c’est pour s’en occuper ! ». Or, cela reste encore principalement l’affaire des femmes. Quel devrait être le rôle du père pour le bien-être des enfants ? Quelles sont les attitudes envers les rôles sociaux des hommes et des pères ? Le Panel suisse de ménages ne permet pas d’y répondre. Toutefois, le plébiscite pour le congé paternité dans les urnes en 2020 suggère qu’un engagement fort des pères dans la sphère privée est socialement admis.
Troisièmement, nos résultats indiquent qu’il y a une différence de perception de la réalisation de l’égalité entre les milléniaux et les générations qui les précèdent : les plus jeunes partagent davantage l’idée que la discrimination envers les femmes n’est plus un problème en Suisse et sont moins favorables aux mesures de promotion des femmes. Une explication possible serait que les milléniaux pensent que l’égalité est déjà réalisée. En effet, certains symboles de l’égalité ont été acquis comme le droit de vote et l’accès à l’éducation et au monde professionnel. Ces améliorations visibles peuvent donner l’illusion d’une liberté de choix et de l’égalité des chances et de traitement. Aussi, les milléniaux, âgés·ées entre 18 et 20 ans en 2000 et entre 18 et 37 ans en 2017, pourraient moins percevoir la discrimination n’étant pas encore toutes et tous entrés·ées sur le marché du travail et, surtout, n’étant pas encore devenus parents – une étape qui tend à différencier les parcours féminins et masculins (Levy & Le Goff, 2016). Les milléniaux pourraient aussi estimer que les inégalités restantes sont la faute des femmes et non du système, ou alors que ces inégalités sont légitimes du fait de différences naturelles, reflétant ainsi des positions plus sexistes. Selon le modèle égalitariste familial, certaines inégalités peuvent également être considérées comme des conséquences normales du rôle traditionnel des mères. En tout état de cause, le fait que les plus jeunes dénoncent moins les inégalités existantes interroge car il pourrait en résulter un désintérêt pour les questions d’égalité des genres et donc le maintien du statu quo (Ellemers & Barreto, 2009).
Quatrièmement, nos résultats indiquent qu’il existe un effet circulaire entre les attitudes et l’activité professionnelle : les attitudes entrent en compte dans le choix du taux d’occupation des femmes et des hommes (effet de sélection) et évoluent différemment en fonction de ce taux (effet d’adaptation). Nos résultats confirment que les femmes avec un taux d’occupation élevé ont des attitudes plus égalitaires. Toutefois, les femmes travaillant à plein temps sont moins favorables au travail des mères que celles travaillant à temps partiel long. Ce résultat révèle la force du modèle égalitariste familial : si ces femmes sont en porte à faux avec le modèle préconisé, elles l’ont pourtant assimilé.
Finalement, dans le but d’accéder à une société plus égalitaire, qui offre une plus grande liberté de choix affranchie des stéréotypes de genre, il apparaît important de sensibiliser la population – notamment les plus jeunes – aux inégalités de genre qui persistent en Suisse. Ceci permettrait de diminuer le sexisme moderne et d’éviter un retour à des attitudes plus sexistes comme c’est le cas dans d’autres pays. Une campagne d’information sur les différentes formes de sexisme et de discriminations pourrait constituer une première étape. Aussi, les mesures qui permettent aux femmes et aux mères d’avoir un taux d’occupation élevé, et aux hommes et aux pères de travailler à temps partiel sont à privilégier non seulement pour favoriser l’acceptation de rôles sociaux non-genrés et donc diminuer le sexisme ordinaire, mais aussi pour diminuer les inégalités. Deux mesures à soutenir en priorité seraient un congé parental à partager à part égal entre les deux parents ainsi qu’un accès garanti à une solution de garde abordable pour toutes et tous une fois ce congé terminé.
[1] L’ensemble de nos résultats est confirmé par des analyses statistiques supplémentaires (voir Bornatici et al., 2020). Des tests de robustesse montrent que l’attrition – une perte continue et sélective de participants·es d’une enquête au fil des ans – n’affecte pas nos résultats.
[2] Les femmes sont réparties équitablement dans chaque catégorie (environ 25%).
[3] Dans notre échantillon, 75% des hommes travaillent à plein temps, 12% n’ont pas d’activité lucrative, 8% travaillent à temps partiel long et 4% à temps partiel court.
Bibliographie
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